Doit-on vraiment boire autant de lait ?
janvier 18, 2023 2023-01-18 11:11Doit-on vraiment boire autant de lait ?
Émission Isabelle Maréchal – 98,5 FM
Extrait du 20 mars 2013
Isabelle Maréchal (IM) : En première heure, on va parler de notre dépendance au lait. Vous savez que les Québécois font partie des plus grands consommateurs de lait au monde! On en consomme en moyenne 84 litres par an, chacun d’entre nous. Au fil des années, c’est vraiment devenu l’aliment préféré de bien des gens, mais un aliment aussi extrêmement controversé.
Y’en a pour qui par exemple, le lait de vache c’est pas adapté aux humains, ça serait plutôt adapté aux veaux. Parce que c’est vrai que pour les veaux, on dit que ça double leur poids en 50 jours. Mais pour les humains, on dit que ce sont les seuls mammifères qui boivent encore du lait à l’âge adulte. Il y a d’ailleurs 75% des gens sur la planète qui ne boivent pas de lait du tout!
Nous, on est assez particuliers ici. D’où ça vient? C’est vrai que la pub « un c’est bien, mais deux c’est mieux », pis pourquoi pas trois si ça vous tente, à la rigueur, ça a fini par nous rentrer dans le système et on a incorporé ça. Sans compter les berlingots qu’on met dans les écoles au Québec… Bref, il y a toute une campagne, un lobby, derrière l’industrie du lait et finalement, on est entré dans ce jeu… Peut-on appeler ça un jeu? Certainement du marketing alimentaire.
On va en parler avec deux invités. Élise Desaulniers est conférencière. Elle vient d’écrire un livre, qu’on vous présente ce matin : « Vache à lait, dix mythes de l’industrie laitière ». Vous remettez là-dedans toute notre consommation de lait en question.
Elise Desaulniers (ED) : Absolument. J’ébranle les mythes sur lesquels sont construits nos rapports au lait et, à constater l’état de mon compte Twitter ce matin, ça fait réagir.
IM : C’est à la suite d’une enquête de plusieurs mois que vous en êtes arrivée à nous poser certaines questions, parce que vous posez des questions dans votre livre.
ED : En fait, je me suis d’abord posé ces questions-là à moi. Ça m’a semblé évident de réduire ma consommation de viande, de devenir végétarienne. Et pour le lait, et particulièrement pour le fromage, là, c’était plus difficile, j’y étais particulièrement attachée. J’ai d’abord fait de la recherche pour me convaincre moi-même. Je me suis posé la question : « Est-ce que je dois ou pas boire du lait? » Ensuite, j’ai passé un an à rencontrer des gens, à faire des entrevues, à visiter des fermes, des encans, pour écrire ce livre.
IM : Et comme bien des Québécois, vous aussi, vous avez été élevée dans cette tradition de boire du lait! D’entrée de jeu, vous dites que votre mère vous disait en 1979 : « Élise, finis ton verre de lait avant de sortir de table! ».
ED : Oui, c’était important. Chez nous, on était trois et on buvait trois litres de lait par jour. Le laitier passait aux deux jours, puis on était fiers d’être les plus gros consommateurs de la rue. Et j’avais l’impression que le lait, on pouvait jamais en consommer trop. C’était bon au goût, c’était bon pour ma santé, j’allais avoir des super os. Qu’est-ce qu’on peut demander de plus? Ben, des fois, j’avais droit à de la crème glacée, puis du yogourt quand j’étais vraiment fine.
IM : Et il y a quelque chose dans le lait… c’est blanc, c’est l’image du blanc immaculé. Y’a quelque chose là-dedans qui frappe l’imagination.
ED : Ça me semblait être l’aliment parfait. Donc, c’est pour ça que quand j’ai commencé à lire, à réfléchir, à faire des entrevues sur le sujet, je suis tombée des nues. En fait, ce n’est pas du tout ce que je croyais être. Et je me suis dit : « Comment ça se fait qu’on ne m’a jamais dit ça avant? »
IM : Quels sont les 10 mythes dont vous parlez?
ED : Le plus important, c’est que : « Le lait, c’est naturel. C’est naturel de boire du lait. On en boit depuis toujours. Les vaches produisent du lait parce qu’elles sont heureuses. » C’est pas vrai, ça! « Le lait, c’est écolo. Ça prend du lait dans les écoles. Les enfants ont besoin de boire du lait. On ne pourrait pas se passer de fromage…» C’est que des mythes.
IM : Et ces mythes-là sont beaucoup nourris par l’industrie laitière, vous dites?
ED : Absolument. En fait, l’industrie laitière est un des plus gros annonceurs au Canada. On investit annuellement un milliard en publicité. Un milliard en publicité, on ne sait pas trop ce que ça vaut parce qu’on n’achète pas souvent de la publicité, vous et moi. C’est la moitié des dépenses de l’industrie des téléphones cellulaires. Les pubs de cellulaires, il y en a partout, là. La moitié de ça, c’est les pubs pour le lait. Et quand on prend toutes les pubs d’aliments (on va exclure l’alcool), le quart sont des pubs de produits laitiers. Et les fruits et légumes, qui devraient représenter la moitié de notre assiette, eux autres, c’est 6%.
IM : Incroyable. C’est pour ça qu’on s’est dit : « On va inviter une nutritionniste aussi, pour départager tout ça, parce qu’il y a quand même deux clans. Il y a ceux, comme Élise Desaulniers, qui disent : « Le lait, il faut faire attention… » Vous ne dites pas non plus de ne pas en boire, mais buvons avec éthique, sachons ce qu’on boit.
ED : En fait, ce que j’essaie de dire, c’est : on a le choix. On peut ne pas consommer de produits laitiers et être en parfaite santé. On peut se tourner vers d’autres sources de calcium, etc.
IM : Voilà. « Calcium », vous avez dit le mot. Souvent, la plupart des gens disent : « Moi, j’en bois parce que je ne veux pas avoir des carences en calcium. » Anne-Marie Roy est avec nous, la nutritionniste qu’on connaît bien. Vous aussi, vous pourriez écrire un livre sur les mythes reliés à l’aliment « lait ». Est-ce que c’est vrai qu’on dépend du lait pour le calcium?
Anne-Marie Roy (AMR) : On dépend du calcium, mais on ne dépend pas du lait. On a besoin effectivement de calcium pour avoir des bons os. Mais est-ce que le lait est le seul aliment ? Non. L’industrie du lait s’est approprié le calcium, mais on a oublié de dire finalement qu’il y a énormément d’autres sources de calcium disponibles. C’est un peu ça qu’on a tenté de nous faire croire, que si on ne boit pas de lait, nos os vont s’effriter et on va tomber par terre.
ED : Comme les petits bonhommes dans la pub, on va devenir mous. (rires)
IM : Et qu’on va souffrir d’ostéoporose entre autres, pour les femmes en particulier. Et ça, c’est pas vrai? Est-ce que ça a été documenté, ça?
AMR : Si on manque de calcium, on va souffrir d’ostéoporose, bien sûr. Mais il faut arrêter de penser que le lait est le seul nutriment pour les os. Le magnésium est important, le potassium, la vitamine K, la vitamine C… C’est un ensemble. Moi, j’aime bien choisir des aliments qui vont avoir toute la panoplie de nutriments essentiels pour les os. Je me préoccupe de la santé des gens en général, donc je me préoccupe de la santé osseuse, mais il faut regarder d’autres éléments importants en même temps. Parce que, on meurt de quoi au Québec? On meurt de cancer en premier et de maladies cardiaques. Donc, lorsqu’on choisit une source de calcium, il faut s’assurer aussi qu’en même temps, on va aussi nous protéger des cancers et des maladies cardiaques. Donc, il faut regarder le calcium dans son ensemble, choisir des sources de calcium qui vont être bénéfiques pour notre santé. La façon la plus idéale d’aller chercher son calcium, c’est dans plusieurs choux. Le chou kale par exemple. C’est un chou extraordinaire pour la santé, préventif au niveau cardiaque et du cancer.
IM : Ça, c’est nouveau, on commence à en voir surtout dans les épiceries d’aliments naturel. C’est vert foncé…
AMR : C’est l’aliment-vedette… C’est une feuille verte, très frisée. On appelle ça aussi le chou vert frisé. Les magasins d’aliments naturels, mais même les grandes chaînes commencent à en avoir aussi. Si on faisait de la pub pour le kale, les gens courraient aller s’en acheter! Si on savait tout ce qu’il y a dans le kale, si on avait autant d’argent à investir en publicité pour le kale, je vous dis qu’il n’en resterait plus dans les épiceries. Et les choux, comme le chou kale, le chou collard qui est encore moins connu ou par exemple le bok choy qui commence à être plus connu, c’est des sources de calcium exceptionnelles et, oui, il y en a peut-être un petit peu moins que dans le lait, mais sauf que l’absorption du calcium est le double. Donc, quand on les compare, si on considère l’absorption, on peut dire que c’est équivalent en terme de calcium.
IM : Là, vous parlez de la biodisponibilité. Expliquez ce concept aux gens. C’est un nouveau concept… Peut-être pas pour vous, mais pour les consommateurs.
AMR : On est ce qu’on absorbe, tu sais. C’est pas parce qu’on mange quelque chose que nécessairement on l’absorbe. Si on regarde par exemple le calcium du lait, il s’absorbe en général à 30%. Si on prend par exemple le brocoli, c’est 60% d’absorption. Finalement, le corps retient mieux le calcium des choux que celui du lait. Donc, il y a un peu moins de calcium dans ces végétaux, mais l’absorption est meilleure! Aussi, si on regarde les noix par exemple, les amandes en contiennent un peu, mais surtout la graine de sésame. Et ça, je trouve ça dommage, on ne prend pas assez de graines de sésame. Moi, je fais mes vinaigrettes avec ça, on en met partout. Des fois, je me fais une salade de kale avec une vinaigrette à base de tahini. Je ne suis pas du tout inquiète pour mes os et ensuite, je préviens les cancers et les maladies cardiaques.
IM : Si nos invités de la deuxième heure étaient là, ils vous diraient : « Vous n’êtes pas allergique! » Mais ça, c’est un autre problème.
AMR : La graine de sésame, il n’y a pas trop de problèmes avec ça.